Les deux félins ne marchaient que depuis quelques minutes lorsqu'ils débouchèrent à l'Arbre Mort. La boule de poils désagréable était accompagnée de son mentor, qu'elle aimait énormément. Contrairement aux apprentis immatures, celui-ci lui apprenait nombre de chose et partageait avec lui une grande camaraderie. Mirage était seulement contraint à respecter les sautes d'humeur de son apprenti. Tous deux arrivés à l'arbre mort, Nuage Ephémère s'assit sur un morceau de souche. Comment ces débiles peuvent-ils passer leur temps à escalader ce truc ? Ce n'est qu'un arbre, songea-t-il. Sentant une proie potentielle dans les environs, le farouche apprenti se leva sans un bruit. L'oiseau était sur la branche, se nettoyant les plumes. Il s'approcha avec discrétion, espérant que son mentor n'allait pas faire fuir l'animal. Arrivé à quelques pas de la tourterelle dodue, il s'arrêta, guettant le moment propice. 3, 2, 1. Il sauta mais au moment auxquel ses griffes effleuraient son futur déjeuner, celui-ci s'enfuit sans demander son reste. « Crotte de souris, grogna Ephémère, quelle poisse ! ». Levant le museau, il inhala à plein nez : mille odeurs. L'humidité des quelques nuages accrochés dans la toison bleue, les brins d'herbes disgracieux, l'eau qui coulait non loin de là, le vent, l'arôme de son clan et bien d'autres encore. Rien d'inquiétant. Il espérait seulement que Mirage Eternel ne l'emmènerait pas faire le tour du territoire. Pour la énième fois, pensa-t-il. Le félin escomptait apprendre à se battre. Quelque leçons de combat ne pouvaient pas lui faire de mal ... Il se retourna en un mouvement ample. « Qu'allons-nous faire aujourd'hui ? », demanda-t-il à Eternel. Sa voix était chaude et mielleuse, comme à chaque fois qu'il discutait avec l'un de ses rares amis. Il adressa un mouvement d'oreilles à son mentor et s'enfonça dans la forêt, sachant pertinemment qu'il le suivrait.

Mais en un seul mouvement, le guerrier aguerri qu'était Mirage Eternel retourna le petit contre le sol et posa sa patte, griffe rentrées, sur son cou. Waouw, quelle technique, pensa la boule de poils, j'espère l'égaler un jour ! Quelques secondes plus tard, son mentor l'aidait à se remettre debout. « Hum ... Tu as encore du chemin à faire, jeune chat. Mais tes compétences sont au dessus du niveau d'un apprenti de ton âge. Tu ne te débrouilles pas mal. Avec de l'entraînement et du temps, tu deviendras un formidable guerrier. Alors, je t'explique la dernière technique que j'ai fait, où tu as vu en quoi elle consistait et on passe à autre chose ? » Ephémère avait quelque chose derrière la tête. « Oui, je veux bien que tu me l'expliques », dit-il, en camouflant son sourire. Avant que le matou aux yeux verts ne puisse répondre, l'apprenti lui sauta dessus avec énormément de dextérité, comme l'avait fait son mentor quelques minutes auparavant. Il sauta avec élégance en arrière lorsque celui-ci fut plaqué au sol. Il s'assit à quelques longueurs de queues de là. « C'était bien ? », quémanda-t-il, le visage armé d'un sourire. Quand ceci fut fait, il réveilla ses sens. La première chose qu'il ressentit fut une odeur; celle du gibier. « Puis-je ? » Tant pis pour la réponse, je fonce, songea-t-il. Il s'accroupit, le ventre touchant presque le sol; avança lentement et l'aperçut. Oui, la poule d'eau était là, à quelques pas, seulement. Vérifiant qu'il était fasse au vent afin de ne pas avertir l'animal, il attendit patiemment. Il pouvait ressentir les vibrations de son cœur à travers le sol. Il fit quelques pas puis sauta sur la bébête. Il croqua son cou et, en deux temps, trois mouvements, le déposa fièrement, encore chaud, au pied de Mirage Eternel. Il se coucha sur le flanc, essoufflé par son effort, et se lécha patiemment le flanc. Aujourd'hui, le temps était chaud et calme. Mais on pouvait remarquer que l'été touchait à sa fin; alors que les feuilles commençaient à roussir, le soleil éclairait de moins en moins longtemps les terres. Nuage Ephémère aimait énormément l'automne. C'était d'ailleurs sa saison favorite. Le vent, la pluie, la fraîcheur. Il n'aimait pas la chaleur, elle l'insupportait. Mais, contrairement aux autres félins - et les apprentis, particulièrement - il ne se plaignait jamais. Jamais à ce sujet là, en tous les cas. Pour ce qui était du reste, il est vrai qu'il possédait un fort caractère.